Podcast | Qui était Sampiero Corso, ce rebelle médiéval considéré comme "le plus Corse des Corses" ?

statue de sampiero corso à bastelica

Certains personnages marquent à jamais l’histoire. C’est le cas de Sampiero Corso. Vous pouvez aussi l’appeler « Sampieru Corsu », si vous le prononcez à la Corse. Sampiero est né en 1498 dans une maison en forme de tour à Bastelica, un village situé au nord du lac de Tolla. Il est resté célèbre pour sa lutte acharnée contre le pouvoir Génois et son tragique mariage. Revenons un peu sur la légende…


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Sampiero Corso, 1ère figure du nationalisme Corse

Dès l’âge de 14 ans, il s’est lancé dans une brillante carrière militaire. Sa bravoure et ses talents lui ont fait gagner le grade de colonel (lors de son service sous François 1er). A plusieurs reprises, il a essayé de bouter les Génois hors de la Corse… en provoquant de multiples révoltes. Mais il n’y est jamais parvenu réellement. D’où l’acharnement des Génois pour sa traque – ils ont même rasé sa maison natale.

Bien évidemment, son nom de famille n’est pas « Corso », vous vous en douter. Mais il était de coutume, dans la Corse médiévale et dans l’armée, d’appeler les soldats en fonction de leur origine.

bd sampiero corso

Le destin tragique de Vanina d’Ornano

La vie personnelle de Sampiero Corso est aussi tragique. Son histoire a fait l’objet d’un opéra et, très récemment, d’une comédie musicale. Pour anecdote, la légende dit que Shakespeare se serait inspiré de l’histoire de Sampiero Corso pour écrire Othello.

On entre donc dans le 16ème siècle, dans un épisode fameux de l'histoire de Corse : la légende de Sampiero Corso. Bras armé des Médicis, "fils de la plèbe", sa réputation de "guerrier redoutable et valeureux" lui ouvre une carrière au service de la France en 1535.

portrait sampiero corso noir et blanc

Mais après son mariage avec Vannina d'Ornano, descendante d'une grande baronnie corse, il est temporairement fait prisonnier par les autorités génoises de l'Office de San Giorgio. Sa libération est provoquée par l'intervention du roi de France, Henri II.

Mû par la gratitude, Sampiero se mobilise avec zèle : l'historien Colonna de Cesari-Rocca nous raconte qu'il "excite ses compatriotes à reconnaître le roi de France comme leur seigneur". Grâce à son soutien politique et militaire, l'armée française prend possession officielle de la Corse en 1553. Eh oui : la France avait déjà occupé l'île avant le 18ème siècle.

Forcément, la réaction de Gênes - soutenue massivement par Charles-Quint - ne se fait pas attendre : la guerre dure des années, éreintant financièrement les ligures comme les français. Henri II finit par abandonner les corses à leurs "propriétaires" historiques lors du traité de paix de Cateau-Cambrésis en 1559.

Sampiero Corso, vu par l’artiste Jean Chièze

La répression génoise reprend alors de plus belle, dans une stratégie d'épuisement propre à entretenir un sentiment de révolte. "Ordre fut donné de démolir les châteaux, et un décret interdit de quitter le pays pour aller prendre du service à l'étranger".

A cette oppression s'ajoute les incursions barbaresques, dont l'intensité a redoublé dans les dernières décennies, jusqu'à meurtrir les villes de l'intérieur des terres (à l'image de Sartène, mise à sac par les pirates maures). "Les corses captifs à Alger étaient, dit-on, plus de 6000. Le manque de sécurité suffisait à lui seul à éloigner les corses d'un gouvernement qui ne protégeait pas ses sujets", nous dit encore Colonna de Cesari-Rocca dans son Histoire de Corse (1916).

L'Histoire se répète donc. Et pour Sampiero Corso, l'occasion de se venger et de libérer son île des génois est arrivée. Il se met à écumer les cours d'Europe et de Méditerranée, pendant plus de 4 ans. En vain.

L'acte qui suit est un évènement central dans l'histoire de Sampiero Corso. Sa femme Vannina d'Ornano, exilée à Marseille et gravement déprimée par les errements de son époux, se laisse manipuler par un espion génois et décide alors d'abandonner Sampiero pour rallier ses ennemis.

Lorsque Sampiero Corso apprend la trahison de son épouse, ivre de rage, il intercepte le bateau et condamne sa femme à mort. Il lui concède toutefois une dernière volonté, si l’on peut dire : celle d’être étranglée par les mains de son époux.

Si aucune poursuite n'est lancée contre lui, il perd tout soutien éventuel de France ou de l'étranger. Et bien sûr, la famille d’Ornano décide de le punir en mettant sa tête à prix.

La conquête de la Corse et la trahison

Le soldat est vieillissant ; il approche les 65 ans. Cela ne l'empêche pas, sa vengeance commise, de fondre sur la Corse avec une poignée d'alliés, pour mettre Corte et une partie du nord de l'île à sa botte. Rien ne lui résiste. Les insulaires qui n'acceptaient pas la domination tyrannique de Gênes voient en lui un véritable chef, libre de toute attache avec les grandes familles féodales qui règnent dans les pièves de l'île.

bd sampiero corso

Entre Gênes et le chef rebelle, "la lutte prend un caractère d'horreur tragique : les prisonniers sont jetés aux chiens ou mutilés ; les villages brûlent, à commencer par la maison de Sampiero à Bastelica. Pendant deux ans et demi, la Corse est un champ de carnage".

Comme souvent par le passé, la résolution du conflit arrive grâce à la trahison. Les proches de Vannina d'Ornano, motivés par la vengeance, organisent un guet-apens près de Cauro. Sampiero est abattu, son corps démembré exposé aux quatre coins d'Ajaccio.

C'est la fin brutale d'un homme qui restera pour toujours dans l'esprit des révolutionnaires insulaires comme "le plus Corse des Corses". Et ce malgré son féminicide.

Dès lors, libérée de l'épée de Sampiero, la République toute-puissante resserre progressivement son étau sur l'île. Mais c'est encore une autre partie de l'histoire de Corse.

Bastelica, fief de Sampiero Corso

Le village reste très attaché à son histoire. Une statue de Sampiero Corso trône fièrement sur la place principale du village. Chaque année, au mois d’août, une parade en costume et en musique rend hommage au célèbre personnage.

Vous pouvez évidemment partir à la découverte de cette commune qui a su garder sa rudesse et son authenticité, bien que son principal attrait soit la nature environnante. On s'y arrête souvent à la Toussaint, avec mon frère, pour randonner et ramasser quelques poignées de châtaignes. Et ressentir un peu de l'histoire qui enveloppe les lieux.

Une impression de bout du monde nous envahit alors, face à une telle splendeur, et on reste ici, émerveillé(e)s, à se réjouir d'avoir osé quitter les routes les plus touristiques de l'île pour tenter l'aventure dans les profondeurs de la Castagniccia...


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