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bataille de ponte novu en corse 1769

13 moments marquants de l'Histoire de Corse, des temps les plus reculés à notre époque

Par Ange 9 min. de lecture
4.9/5 (17)

L’Histoire de la Corse est étroitement liée à sa position centrale dans le bassin méditerranéen. Tantôt envahie et (jamais vraiment) soumise, tantôt combattante et révoltée, l’île de Beauté a subi de multiples tourments avant de devenir la terre riche en contrastes qu’on connaît aujourd’hui. Invasions, occupations, révolutions, luttes pour l’indépendance…

Suivez-moi pour un voyage dans le temps, forcément sélectif, mais qui vous permettra de mieux connaître le destin extraordinairement complexe de la Corse et de son peuple "composite" - pour reprendre les termes d'un grand historien.

Au sommaire
  • La construction des mégalithes
  • La Corse gréco-romaine
  • Les razzias et la naissance du blason à tête de maure
  • La Corse sous l’occupation Pisane
  • La Corse sous l’occupation Génoise
  • La révolution menée contre Gênes par Sampiero Corso
  • Théodore de Neuhoff élu roi de Corse pendant 7 mois
  • La déclaration d’indépendance de la Corse
  • La bataille de Ponte Novu
  • La naissance de Napoléon à Ajaccio
  • La découverte de la Grotta Scritta à Olmeta du Cap
  • La libération de la Corse
  • Les événements d’Aléria

La construction des mégalithes

De nombreux trésors de l’antiquité sont disséminés sur le territoire corse. Les mégalithes (dolmens) conservés dans le Sartenais, la vallée du Taravo ou le site archéologique de Filitosa font notamment la fierté des habitants de l’Ile de Beauté et la curiosité des archéologues. Construits entre 4000 et 2000 av JC, ces monuments originaux faits de grandes pierres sont à l’époque dressés pour célébrer les défunts, inhumés dans des coffres avant d’être placés à l’intérieur des dolmens. Ils témoignent de la présence d’une civilisation élaborant son propre mode de vie et ses propres techniques funéraires.

Le site archéologique de Filitosa en Corse-du-Sud. Photo Braucher sur Wikipedia.

Entre 2500 et 2000 av. J-C apparaissent également plus de 80 statues-menhirs anthropomorphes parfois sexuées ou armées d’épées. Si certains archéologues suggèrent qu’il s’agit de représentations d’ennemis morts au combat, d’autres y voient tout simplement celles de personnes défuntes ou de divinités. Une chose est sûre, ces vestiges apportent une richesse exceptionnelle au territoire corse.

La Corse gréco-romaine

"La Corse n'entre vraiment dans l'Histoire qu'au 6ème siècle avant JC, avec l'arrivée des Phocéens fugitifs. Ce sont eux qui ont définitivement "découvert" la Corse et inauguré une colonisation qui se poursuivra désormais sans arrêt", selon l'historien Louis Villat (Histoire de Corse, 1916).

D'autres sont bien sûr (ou sans doute) passés en Corse : ibères, ligures, phéniciens, depuis "l'époque des dolmens"... Mais cette fois, les corses retranchés dans les terres voient les Phocéens s'établir à Alalia, future Aleria romaine, en 564 av. J-C.. Déjà l'île compte parmi les carrefours-clés de la Méditerranée. Les Grecs l'ont appelée Kurnos, "les indigènes l'appellent Korsis", selon Denys le Périégète (4ème siècle). Comme les Romains plus tard l'appelleront "Korsika".

"Les Grecs n'apportaient pas seulement l'écriture. Ils répandirent aussi les arts et les techniques, la vigne et le vin, l'olivier et l'huile, le blé et le pain."

Jean Jehasse, Aleria Grecque et Romaine

Mais seulement 5 ans après leur installation, une coalition étrusco-punique se forme pour les chasser de cette partie de la Méditerranée. La bataille navale d'Alalia met les Grecs en déroute ; ils se sauvent vers les côtes du sud de la France, et donnent naissance à Marseille.

gobelets et vases romains à aleria en corse © Ithaque
Les reliques romaines exposées au musée d'Aleria.

La présence courte en termes de durée, mais profonde en termes d'influences des Phocéens, transforme durablement la culture et la vie des corses du versant oriental de l'île. Et puis, comme si le destin des grecs et des insulaires était lié pour toujours, d'autres Hellènes quittèrent leur pays au 17ème siècle pour venir fonder une nouvelle colonie grecque, de l'autre côté de la Corse, à Paomia (Cargèse).

Après une courte période de présence étrusque puis punique/carthaginoise, la Corse voit arriver la flotte romaine. Déjà à cette époque, la population locale est "composite", selon les mots de l'ancien Directeur des Fouilles d'Aleria, Jean Jehasse. Elle brasse plusieurs origines, diverses cultures méditerranéennes, rassemblées là, au carrefour des puissances maritimes. Mais l'esprit insulaire est farouche ; la révolte éclate régulièrement contre l'envahisseur et les lourds tributs collectés.

Entre -231 et -227 (les dates varient selon les historiens), Roma passe la Corse sous régime provincial, en la rattachant à son île-soeur, la Sardaigne. "Mais l'ordre ne règne pas. Les corses restent en état de rébellion constante". Les généraux romains multiplient donc les incursions militaires dans les terres, prennent d'assaut les villages pauvrement fortifiés. Des milliers de corses sont ainsi tués ou enlevés pour finir esclaves de Rome, où les propriétaires se découragent vite face à "leur sauvagerie et leur stupidité" (selon l'antique Strabon).

Rome restera 8 siècle en Corse, essentiellement sur la plaine orientale, jusqu'à la période de Christianisation puis la chute de l'Empire Romain.

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Les razzias et la naissance du blason à tête de maure

L’Ile de Beauté est à maintes fois victime de razzias au cours du Moyen-âge. Dès le 5ème siècle et jusqu’au 11ème siècle, les Vandales puis les pirates barbaresques font le chemin depuis l’Afrique du Nord dans le but de piller les réserves des villages corses et de capturer hommes et femmes pour en faire des esclaves… Les guerriers corses tentent comme ils peuvent de combattre les envahisseurs Maures, Vandales et Ostrogoths.

Une histoire veut que les Corses décapitaient leurs ennemis et arboraient leur tête en haut de longues piques afin de les dissuader de continuer. Mais les Maures ne sont vraiment chassés que plus tard, par l’action conjointe des Pisans et des Génois.

La Testa Mora sur le drapeau Corse. Photo WejPhotos sur Flickr.

Il existe une seconde explication à l’apparition de la Tête de Maure sur le drapeau corse. Lorsque le Pape Boniface VIII confie, en 1297, la direction de la Corse et de la Sardaigne au Roi d’Aragon, ce dernier décide d’arborer l’emblème de la Tête de Maure — symbolisant la victoire des croisés sur les musulmans — sur ses armoiries, en souvenir de la reconquête chrétienne d’Espagne.

La Corse sous l’occupation Pisane

A partir de 1077, la Corse passe sous la domination pisane, le Pape Grégoire VII ordonnant à l’évêque de Pise de gouverner l’île. De nombreux couvents et églises pisans (comme l’église San Michele de Muratu) voient alors le jour et le territoire s’organise en 90 paroisses (pièves) dirigées chacune par un prêtre. Une paix relative s’installe.

L'Eglise San Michele à Murato, en Corse. Photo Ophelia2 sur Wikipedia.

Mais c’est sans compter sur la jalousie des Génois qui, à l’occasion de la bataille navale de la Meloria en 1284, prennent petit à petit possession des côtes puis de l’île entière.

La Corse sous l’occupation Génoise

S’ensuivent 5 siècles d’occupation génoise durant lesquels de remarquables tours de guet — les fameuses tours génoises — sont construites. C’est à la civilisation génoise que l’on doit également la naissance des villes de Calvi, Bastia, Saint-Florent, Ajaccio ou encore Porto-Vecchio. La République de Gènes tente d’instaurer la paix malgré la mésentente des petits seigneurs (“capi”) du sud de l’île et les prémices d’une révolution au nord.

La tour génoise de Turghiu, à 308 mètres d'altitude. Photo Anthony Luciani.

La révolution menée contre Gênes par Sampiero Corso

Un siècle plus tard, les troubles persistent encore. Soutenu par les troupes du Roi de France Henri II, Sampiero Corso, colonel de l’armée française, mène l’invasion de la Corse dans le but de défaire les Génois.

S’il parvient à s’emparer d’Ajaccio, de Bastia, de Corte et de Calvi, sa conquête est vite stoppée par la France qui, par l’intermédiaire du traité de Cateau-Cambresis, rend la Corse aux Génois en 1559. Mais Sampiero Corso refuse d’en rester là et continue le combat. Il récupère alors Vescovato et Porto-Vecchio en 1564 avant de devenir maître de l’intérieur de l’île.

Statue de Sampiero Corso, place du hameau de Santo à Bastelica, Corse © Jean Pol Grandmont
La statue de Sampiero Corso à Bastelica.

Accusé d’avoir étranglé sa jeune épouse, il est finalement tué lors d’une embuscade tendue par la famille de cette dernière en 1567. Plus personne n’ose alors s’opposer aux Génois qui gouvernent l’île de 1569 à 1729.

Théodore de Neuhoff élu roi de Corse pendant 7 mois

Au milieu du XVIIe siècle, la République de Gênes est sur le déclin. Plusieurs soulèvements populaires se succèdent afin d’obtenir l’indépendance de la Corse. Des gouvernements éphémères sont mis en place et c’est ainsi que le Baron Théodore de Neuhoff, gentilhomme allemand venu sur le territoire insulaire pour encourager les insurgés, devient le seul et unique Roi de Corse en 1736.

Il est le premier à proclamer l’indépendance de la Corse. Mais face à la résistance des Génois, Théodore Ier doit se résigner à quitter l’île. Il ne conserva donc sa couronne que quelques mois.

De 1738 à 1748, la France est sollicitée par Gênes et enchaîne les interventions militaires dans le but de maintenir l’ordre sur le territoire corse.

La déclaration d’indépendance de la Corse

Il est l’une des figures les plus emblématiques de l’histoire de Corse. Dès 1755, Pascal Paoli, fervent défenseur de la démocratie et du progrès, tente de reprendre l’île aux Génois. Elu "« "Général de la Nation", il offre alors à la Corse 14 années d’indépendance.

Il crée, à Corte, un gouvernement de la nation corse et fonde une constitution républicaine, ce qui lui vaut le surnom de « Père de la Patrie » (“Babbu di a Patria”). C’est d’ailleurs sous son gouvernement que la Tête de Maure devient l’emblème officiel de l’île. Paoli en fait même un symbole de liberté en décidant de relever le bandeau qui couvrait autrefois les yeux.

Pascal Paoli, le Père de la Patrie Corse.
Pascal Paoli, le Père de la Patrie Corse.

Toujours installés sur l’île, les génois, ruinés et affaiblis, cèdent la Corse à la France par la signature du Traité de Versailles en 1768. Pour conserver ce qu’il a construit, Paoli doit faire face aux forces françaises en organisant une résistance armée.

La bataille de Ponte Novu

Opposant les troupes françaises aux paolistes composés de Corses et de mercenaires allemands, la bataille du Ponte Novu a lieu le 8 mai 1769. Elle est remportée par les armées du Roi de France, Louis XV. Après sa défaite, Paoli se voit contraint de s’exiler en Angleterre. C’est la fin de la guerre de Corse. Voltaire dira plus tard :

“L’arme principale des Corses était leur courage. Ce courage fut si grand que dans un de ces combats, vers une rivière nommée Golo, ils se firent un rempart de leurs morts pour avoir le temps de recharger derrière eux avant de faire une retraite nécessaire ; leurs blessés se mêlèrent parmi les morts pour affermir le rempart. On trouve partout de la valeur, mais on ne voit de telles actions que chez les peuples libres.”

Voltaire
Bataille de Ponte Novu (8 au 9 mai 1769) entre l'armée française du comte de Vaux et les troupes nationalistes corses de Pascal Paoli © Wikipédia
La bataille de Ponte Novu, sur le pont qui enjambe le Golu.

La naissance de Napoléon à Ajaccio

C’est en Corse que nait, le 15 août 1769 à Ajaccio, l’un des personnages historiques les plus célèbres : Napoléon Bonaparte. Ses parents, eux-mêmes ajacciens d’origine italienne, et plus particulièrement son père Charles, s’engagent en faveur de l’indépendance de l’île portée par Paoli. Fortement influencé par les croyances politiques de son père, Napoléon voue pendant de nombreuses années un culte au chef des insurgés.

maison natale de napoléon gravure
La maison natale de Napoléon à Ajaccio, représentée en lithographie.

Après sa formation à l’école militaire de Brienne, il se pose finalement en faveur du ralliement de la Corse à la France. Ses rêves de pouvoir le conduisent à la tête de la France où il est sacré Empereur sous le titre de Napoléon Ier. Il passe donc la majeure partie de sa vie sur le continent sans oublier son île natale dont il reste très fier.

La découverte de la Grotta Scritta à Olmeta du Cap

Les montagnes du village d’Olmeta du Cap cachent une bien belle surprise : la « Grotta Scritta » (grotte écrite), localisée à 500m d’altitude renferme les seules peintures rupestres découvertes à ce jour sur l’île. Elles dateraient de l’Age de Bronze (2000 ans av. J-C), rappelant ainsi que la Corse est habitée depuis la préhistoire.

La libération de la Corse

Lorsque démarre la Seconde Guerre Mondiale, la Corse se veut déjà résistante et combattante. Des groupes antifascistes et antinazis voient le jour à Ajaccio et à Bastia. L’armistice franco-allemand signé le 24 juin 1940 par le Maréchal Pétain est brisé quand les troupes allemandes et italiennes envahissent la Corse pourtant déclarée comme étant une zone libre en 1942. On compte alors près d’un soldat pour 2 habitants ! Les Corses réagissent immédiatement et constituent un mouvement dévoué à la lutte antifasciste.

En octobre 1943, la Corse a l’honneur d’être le premier territoire français libéré suite à l’arrestation de Mussolini et la signature d’un armistice avec l’Italie. Celle-ci passe alors du côté des alliés et repousse les troupes allemandes, avec le soutien des corses.

Les événements d’Aléria

Le 21 août 1975 marque le début du combat nationaliste sur le territoire insulaire. Environ 50 agriculteurs corses armés dirigés par Edmond Simeoni — chef de l’Action pour la Renaissance de la Corse — prennent en otage un viticulteur pied-noir qu’ils soupçonnent d’escroquerie financière et d’ajouter du sucre dans le vin pour augmenter son degré d’alcool. Lorsque les forces de l’ordre lancent l’assaut pour libérer le viticulteur, l’opération dégénère. La Corse déplore 2 morts du côté de la police et 1 blessé du côté des militants.

Un an plus tard, le Front de Libération Nationale de la Corse voit le jour et revendique entre autre l’autonomie et la défense de la langue et de la culture corses.

J’espère que ces 12 grands moments de l’Histoire insulaire vous auront permis de découvrir l’île autrement. N’hésitez pas à me suggérer vos autres dates-clés en commentaire.

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Commentaires
  • Ermida 4/5 il y a 3 mois Résumé très clair Répondre au commentaire
  • Madeleine 5/5 il y a 7 mois Un article très bien construit qui donne envie d’entrer encore plus loin dans notre histoire. Attractif et passionnant. Répondre au commentaire
  • Quentin69 5/5 il y a 9 mois Merci pour l'histoire de cette qui m'est à cette heure inconnue Répondre au commentaire
  • Vanessa 5/5 il y a 10 mois Tres intéressant Répondre au commentaire
  • Vanessa 5/5 il y a 1 an Génial ! Merci Répondre au commentaire
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Le port de Limeni dans le Magne, Grèce. Église San Michele de Murato, Corse. Nuraghe de Santu Antine, Sardaigne.

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