© Sadana Silhol
Bastia, Corse

[Podcast] Une journée pour découvrir la belle Bastia, "une ville survolée (à tort) par les visiteurs"

Par Ange 7 min. de lecture
  • Familial
  • Immersion culturelle
  • Gourmand
5/5

Le jour se lève à peine, et votre ferry s'apprête à faire escale dans le port coloré de Bastia - à moins que vous n'ayez choisi d'autres moyens pour accéder à la cité. Quoi qu'il en soit, vous ne vous êtes pas trompé(e) de destination : classée en 2023 parmi les 100 villes les plus agréables à vivre en France (Le Figaro), 1er port français pour le transport de passagers, Bastia possède tous les atouts pour un séjour authentique dans l'Ile de Beauté.

Et pourtant ! Malgré tous les trésors que cette ancienne cité génoise a à offrir, elle reste encore une ville de passage pour beaucoup de voyageurs. Voilà une bonne raison d'écrire ce reportage en compagnie d'une locale, fine connaisseuse de la ville et de son patrimoine : Nathalie Pouyaud-Simoni, guide conférencière et bastiaise depuis son enfance.

Au sommaire
  • Un podcast pour découvrir Bastia, avec Nathalie Pouyaud-Simoni
  • Bastia, une citadelle Génoise à la porte du Cap Corse
  • Un parcours de visite dans les deux quartiers de Bastia
  • Goûter aux spécialités gastronomiques bastiaises

Un podcast pour découvrir Bastia, avec Nathalie Pouyaud-Simoni

Peu de monde peut prétendre connaître Bastia aussi bien que Nathalie. Cela fait des décennies qu'elle raconte sa ville natale aux voyageurs de tous horizons, Corses comme Français ou étrangers ; une passion qu'elle concilie aujourd'hui avec son amour pour la gastronomie locale, en proposant des visites guidées de Bastia entre cheminement patrimonial et dégustations "nustrale" dans son bel appartement de la vieille ville.

Nathalie nous parle de son projet, Bastia Intimu, et bien sûr de sa ville, dans le podcast qui suit.

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Bastia, une citadelle Génoise à la porte du Cap Corse

Comme beaucoup d’autres villes en Corse, Bastia existe grâce aux décisions de la grande République maritime de Gênes. De par sa situation géographique idéale (à 60 km de l'île d'Elbe et à 170 km de Gênes), le port est choisi vers 1380 pour y établir une citadelle… une "bastia". Voilà donc l’origine du nom de la capitale de la Haute-Corse.

Jetée du dragon et la citadelle de Bastia, Corse © Miguel2b
Vue sur la jetée du dragon et la citadelle de Bastia.

C'est justement ce port qui a contribué à créer la "quintessence" même de la cité. A la fin du Moyen-Âge donc, Bastia est choisie par Gênes, pouvoir présent en Corse depuis 1284, pour instaurer un "présidium génois". Autrement dit, "un ensemble fortifié, habité par une population chargée de défendre la ville et d'y assurer des activités économiques".

On retrouve ce type de fonctionnement dans l'extrême sud de la Corse et notamment dans la belle cité médiévale de Bonifacio.

Port de Bastia, Corse © Toutaitanous 2
Le beau port de pêche de Bastia.

Ainsi, Bastia va détrôner au 16ème siècle l'ancienne capitale de la Corse qui était Biguglia (ville située juste au sud de la ville de Bastia) et siège des gouverneurs génois. A la même période, l'Évêché de Mariana est transféré sur Bastia. "Cela donne un nouvel élan à la ville, qui concentrera dès lors tous les pouvoirs religieux, économiques, juridiques, politiques, artistiques dans ses murs. Un siècle plus tard, la Corse va devenir un "Regno", un royaume, et Bastia, en sera sa capitale".

A partir de là, évidemment, la cité connaît une prospérité croissante, par le développement d'un urbanisme conséquent autour de deux quartiers : la ville haute, Terra Nova, et la ville basse autour du vieux port, Terra Vecchia. Il y a ici une véritable effervescence économique ; le trafic maritime ne cessera de se développer durant 200 ans, faisant de Bastia un important centre d'échanges en Méditerranée.

Cette croissance continue attire au passage de grands ordres religieux, à l'image des Jésuites qui vont édifier de superbes églises baroques dans différents quartiers de la ville. Bastia voit arriver des artistes ligures, flamands, insulaires bien sûr... "Toute cette richesse et cette vie culturelle saute aux yeux des visiteurs. Ce n'est pas pour rien si Bastia a été classée Ville d'Art et d'Histoire !"

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5/5 (5) Moyenne des avis Google en Janvier 2023

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Un parcours de visite dans les deux quartiers de Bastia

Une fois arrivé(e) à Bastia, "il faut visiter impérativement les deux quartiers de la ville, a savoir Terra Vecchia (la ville basse) autour du Vieux Port, et Terra Nova, qui correspond à la citadelle".

Cheminer dans Terra Vecchia, depuis la place Saint Nicolas

Le début de la visite se fait donc place Saint-Nicolas, ouverte sur la mer et bordée d'immeubles cossus du 19ème siècle, de style néo-classique. "C'est en quelque sorte le point de rencontre des familles des Bastiais. On peut y boire un café, on peut se délecter d'un apéritif, voire faire un tour à la maison Mattei, une belle échoppe qui rappelle un peu un écomusée". Cette place qui date du 19ème siècle offre un panorama sur les beaux immeubles bourgeois qui symbolisent la réussite des grandes familles installées à Bastia. "C'est lié à la prospérité de son port".

Plage Saint-Nicolas, Bastia © Jaroslav Mrkvicka
Vue sur la place Saint-Nicolas.

Ensuite, on peut remonter par la rue Napoléon, "avec une halte pour visiter les différents oratoires de confréries religieuses et notamment celui de l'Immaculée Conception, l'ancien siège du Royaume Anglo-Corse au 18ème siècle". Eh oui : au 18ème siècle, l'île a été un protectorat anglais entre 1794 et 1796, avec au coeur des tractations politiques, le célèbre Pascal Paoli et son plus proche fidèle, Charles-André Pozzo di Borgo.

Après cette halte pour s'imprégner de l'âme religieuse et spirituelle de Bastia, la promenade mène sur la place du marché de Bastia. "C'est l'âme de de ce quartier de Terra Vecchia".

Intérieur de la chapelle de confrérie de l'Immaculée Conception, Bastia, Corse © Pierre Bona
Intérieur de la chapelle de confrérie de l'Immaculée Conception.

Profitez-en pour visiter la plus grande église de Corse, Saint Jean-Baptiste, édifiée au début du 17ème siècle par la confrérie des marins et des pêcheurs de la ville de Bastia. L'église fait face à la citadelle ; les habitants de Terra Vecchia auraient décidé de cette orientation pour narguer les notables de la ville haute qui revendiquaient d’avoir le plus beau sanctuaire de la ville.

On flânera ensuite dans les ruelles étroites et colorées du quartier de Terra Vecchia, pour rejoindre le Vieux Port qui est l'endroit le plus touristique de la ville. Les pas nous portent forcément vers la rue Carbuccia : "ici aussi, on va retrouver de très belles maisons de maîtres qui ont appartenu à des notables et commerçants puissants du Vieux Port". Elles ont connu des habitants célèbres comme… un certain Balzac.

aldilonda bastia © Ithaque
L'Aldilonda invite à des flâneries devant le grand bleu.

A moins que vous ne préfériez longer les flots, et emprunter l'Aldilonda, la "belle promenade qui surplombe la mer" mêlant son architecture de béton brut à la roche qui soutient la citadelle.

Monter à l'assaut de la citadelle de Bastia

Voilà donc la citadelle, Terra Nova, qui s'offre à vous. Ses incontournables sont "l'ancien Palais des Gouverneurs qui abrite le musée de la ville de Bastia, la jolie place du Donjon, la cathédrale Sainte-Marie de style baroque-classique, sans oublier le petit oratoire de Santa Croce".

Le Palais des Gouverneurs et la Place du Donjon. Le Palais abritait toute l’administration Génoise jusqu’en 1768. Il a subi de nombreuses modifications au fil du temps : après avoir été la somptueuse demeure des Génois, le palais est devenu une caserne avant d’accueillir le musée de la ville de Bastia.

palais des gouverneurs bastia © John Blaise
Le Palais des Gouverneurs abrite le Musée de Bastia.

La dalle de pierre "Lastrone" au rôle un peu spécial. Lorsqu’un commerçant était accusé d’avoir volé ses clients, on le déposait « cul nu » sur la dalle où il devait y passer la journée. Le soir, on le ramenait dans sa boutique et les sergents d’armes détruisaient son comptoir à coups de masse.

La cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption, restaurée en 1998, possède de belles chapelles latérales très décorées : celle de la corporation des agriculteurs et celle du Saint-Sacrement et celle de Notre-Dame-du-Carmel. Vous admirerez des peintures et ornementations très bien conservées. A admirer également : la statue de la Vierge dans l’une des niches de la travée de droite.

L’Oratoire de la Sainte-Croix est non seulement l’une des plus anciennes chapelles de la ville classée Monument Historique mais "c'est surtout un édifice époustouflant dans sa décoration. Il a été entièrement redécoré au 18ème siècle dans le plus pur style Rococo, ce qui en fait la troisième église Rococo de France". D’ailleurs, quand vous passerez le seuil de l’Oratoire, vous ne serez plus en Corse mais… en terre Vaticane.

Goûter aux spécialités gastronomiques bastiaises

Alors, manger, boire, savourer à la mode bastiaise... Qu'est-ce que ça promet aux visiteurs ? "C'est tout d'abord prendre son temps, se poser dans les nombreux petits cafés, brasseries, restaurants situés dans les différents recoins de la ville". D'autant qu'en été, la cité prend vie au rythme des animations musicales.

"Le mercredi, pendant l'été à Bastia, nous avons les apéritifs du marché. C'est un lieu de rencontre incontournable."

La gastronomie est présente partout, notamment sur le marché de Bastia, le samedi et le dimanche. On se retrouve là pour manger sur le pouce, un petit peu comme le principe de la street-food : beignets, migliaccioli, produits faits à la minute avec du fromage frais... "On aime bien savourer, prendre son temps".

N'oublions pas que Bastia est une ville populaire, une ville de brassage qui a connu une multitude d'influences. Grâce à la proximité de la mer et des étangs, la gastronomie locale peut s'enorgueillir des plats à base de poisson comme l'Aziminu ou les Anchois à Bastiaise... "Les bons vivants pourront demander les sardines farcies au brocciu du petit restaurant familial L'Epica, situé au-dessus du vieux port".

En fonction des saisons, on peut déguster, notamment en hiver, les anguilles, la Poutargue, le Mulet à la Bastiaise, qui est une sorte de poisson cuisiné aux câpres du Cap Corse.

église saint jean baptiste bastia © Ithaque
L'iconique église Saint Jean-Baptiste, dans le vieux port de Bastia.

"Mais comme Bastia est une ville située aussi proche des régions d'élevage, nous avons des des produits de la terre" : des mets fabriqués à base de fromages frais comme par exemple les migliacci, les migliaccioli, les storzapretti. Toujours en période hivernale, on peut se délecter d'une spécialité qu'on retrouve aussi en Castagniccia et en Casinca, qui s'appelle "u Ghjalaticciu" : c'est une sorte d'estomac de porc avec des blettes, des oignons, de la viande de porc. "On le mange à l'approche des fêtes de Noël".

Autre source d'étonnement culinaire, Bastia connaît des recettes spécifiques à ses différentes fêtes patronales et célébrations religieuses. "On va pouvoir déguster les Panzarotti, qui sont des petits beignets fabriqués avec de la farine de pois chiches - c'est un délice sucré - le jour de la Saint Joseph, le 19 mars". Le jour de la Toussaint, c'est un gâteau en forme de S, la Salviata, que l'on se partage entre gourmand(e)s.

Et bien sûr, le 8 septembre, le jour de la Nativité de la Vierge, les habitants préparent les Tripettes à la Bastiaise. Tous les restaurants se doivent de faire de fait les tripettes ce jour-là d'ailleurs. "C'est ça, l'art de vivre à la bastiaise, si vous voulez. Une ambiance méditerranéenne, une convivialité, et peut-être se donner bonne conscience pour éviter le péché de gourmandise".

Au final, le véritable péché ne serait-il pas de passer par Bastia... Sans prendre le temps de la découvrir vraiment ? Merci encore à Nathalie pour ses précieux conseils.

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